🎧 Écouter l’intro en version audio
Bonjour ! On espère que vous allez bien :)
Ce 15 novembre est un jour plutôt chargé de notre côté. Nous sommes aujourd’hui à la conférence de clôture du podcast MUTANT·ES, que nous avons lancé, tout comme cette newsletter, pour célébrer les 15 ans du groupe ÜNI.
Pour celles et ceux qui liront cette newsletter à temps, c’est à 15h à Mains d’Œuvres à Saint-Ouen, et c’est gratuit, alors n’hésitez pas à réserver votre place. Pour les autres, un replay sera disponible sur la chaîne Youtube de Causa, donc pensez à vous abonner pour ne pas le manquer.
Sur ce, je vous laisse découvrir cette nouvelle newsletter et vous donne rendez-vous le 15 décembre pour la dernière édition de 2024.
Bonne lecture !
Inès
Au programme de cette édition
L’édito d’Emily : D2F 4EVER
Les tips de Clara : COPPA & Kids
Le décryptage d’Inès : L'exclusivité devient-elle trop excluante ?
La chronique de Lila : Jaïa Rose - La perle du R&B français
Nos rubriques
🎧Écouter l’édito d’Emily en version audio
Le Direct-to-Fan (D2F) ou le concept des “Superfans” nous est servi à toutes les sauces en ce moment, mais je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose.
Parce que derrière le buzzword, le Direct-to-Fan c’est la base de toute stratégie numérique qui se respecte : elle ne peut porter ses fruits que si l’on s’intéresse vraiment à son public, qu’on lui témoigne toute la considération qu’il mérite et ce, dans la durée.
Donc en soi, rien de nouveau sous le soleil. J’en parle même depuis plus de 10 ans, aussi bien en formation et dans mon livre, qu’aux artistes accompagné·es sur l’agence ou en conseil à l’heure. C’est vous dire.
Sauf que, depuis quelques mois, poussent comme des champignons de nouvelles plateformes dédiées au Direct-to-Fan et la construction d’une communauté forte autour de chaque artiste.
Et ça fait quelque temps déjà que les majors, elles aussi, s’intéressent de près au phénomène, tout particulièrement chez Universal qui a lancé une plateforme test en Allemagne l’année dernière et plus récemment signé un deal sur 10 ans avec le sud-coréen HYBE (les fans de BTS connaîtront), deal qui comprend notamment un investissement dans Weverse, sa plateforme pour les superfans.
Bref : c’est le nouveau filon d’or et tout le monde veut sa part du gâteau.
Sauf que je suis toujours *un tout petit peu* appréhensive quand je vois un mot arriver sur toutes les lèvres et émerger comme le nouvel eldorado de la musique.
Avant c’était pour régler “la crise du disque”. Aujourd’hui on parle de “nouveaux leviers de croissance”.
Mais le phénomène reste le même : depuis bientôt 20 ans que je suis dans l’industrie, j’ai vu les obsessions se succéder les unes après les autres.
Petit flashback…
Jusqu’au milieu, voire la fin des années 2000, ces obsessions portaient sur un pan de la filière et les revenus qu’ils généraient : donc les compils et les coffrets Best Of, les sonneries mobiles, le live, la synchro ont tous eu leur moment de gloire, je vous rassure.
Puis sont arrivés Myspace et “l’Internet 2.0” comme on l’appelait à l’époque, et on a vu déferler des outils et technologies bouleversant la donne et sur lesquels toute l’industrie musicale s’est ruée, comptant fermement dessus pour ne pas louper le coche.
Par ordre chronologique, nous avons donc eu :
les réseaux sociaux
le streaming
le livestream (effet Covid)
le Web3 (mais la hype médiatique s’est effondrée aussi vite que FTX)
pour revenir aux réseaux sociaux …non sans dopage massif à la publicité, (d’où “Stop la gonflette”, mon édito précédent).
On constate au passage, mais sans surprise, que, selon le récent rapport de MiDiA Research ce sont les labels indés qui dépensent le plus en publicité digitale et que la majorité d’entre eux (85% tout de même) trouve qu’il est de plus en plus difficile de faire émerger leurs artistes aujourd’hui.
Mais revenons-en à l’alpha et l’omega du moment : le Direct-to-Fan et les “Superfans”.
La (seule) différence avec les engouements précédents ? On ne parle plus de technologies mais carrément de relations humaines. (Amplifiées à grande échelle par des plateformes, certes, mais bon, vous avez compris).
Pourtant rien n’a changé depuis Myspace.
Et le même réflexe de concentration est à l'œuvre, puisque chaque plateforme cherche à s’imposer comme le seul et véritable intermédiaire de confiance entre l’artiste et son public.
Ce qui revient concrètement, au final, à désintermédier l’artiste de ses fans, toujours au nom du Direct-to-Fan bien sûr, sinon ce n’est pas drôle.
Et là, il y a comme un vrai paradoxe, un peu comme celui du pompier pyromane inversé : malgré toutes les bonnes intentions du monde, une plateforme finit toujours par devenir le problème du problème qu’elle voulait résoudre.
Tout simplement parce que pour pouvoir résoudre un problème, on doit pouvoir peser dans la balance, et ça, ça implique de devenir l’acteur dominant sur son marché et de le conquérir jusqu’au monopole, d’usage ou non.
Et une fois qu’un acteur est devenu dominant, il a le pouvoir de changer les règles du jeu pour mieux lui convenir.
Ca oblige la concurrence à s’aligner derrière et les utilisateur·ices à subir des règles sur lesquelles il n’y a aucun contrôle ni levier et qui ne sont plus équitables ni en leur faveur.
La version numérique de « La France, tu l’aimes ou tu la quittes », en somme.
On l’a vu avec Facebook/Meta pour les réseaux sociaux (coucou le reach) et on l’a vu avec Spotify pour le streaming (coucou les nouvelles règles de monétisation).
Et si les booms autour du livestream et du Web3 musique ont été de trop courte durée pour voir émerger un mastodonte incontournable dans leurs secteurs respectifs, on voit le phénomène à l'œuvre à nouveau avec la bataille des start-ups pour devenir votre logiciel de gestion préféré pour toutes vos campagnes de pub.
C’est donc un éternel recommencement.
Mais que faire quand on est artiste et que toutes ces plateformes promettent monts et merveilles à vie parce qu’elles “aiment les artistes”, chacune les assurant que la leur est la plus à même de développer une solide relation direct-to-fan superbement monétisée ?
Quel que soit son genre musical ou le stade son projet, il faut se rappeler de quelques fondamentaux, à savoir :
Vraiment connaître ses fans (je ne parle pas de ses stats, mais de s’intéresser aux personnes qui s’intéressent à l’artiste et son projet) et de vouloir établir un rapport sincère qui respecte aussi les limites de l’artiste
Garder le contrôle en déterminant ces limites justement, aussi bien sur les plans de la santé mentale que de la sécurité physique de l’artiste
Commencer petit et privilégier une croissance organique à taille humaine de sa communauté
Repenser ses objectifs en fonction de cette croissance organique (le réalisme + l’humilité/la modestie, c’est cool en vrai)
Ne pas perdre de vue qu’un outil n’est que cela : on ne lui doit rien s’il ne nous sert plus et il n’y a aucune culpabilité à avoir si on trouve un outil qui nous sert mieux. Il faut juste faire attention à l’effet IKEA.
Être au clair sur ce à quoi sert chaque outil ou réseau pour éviter la confusion, la communication doublon, une relation verticale à sens unique dont la superficialité et le manque de sincérité contribueront au désengagement des fans
Mettre les outils gratuits au service de son projet pour le lancer, mais savoir repérer quand le rapport de force s’inverse et que notre dépendance nous a rendu·e vulnérable : si on ne poste plus que sur un seul réseau et qu’on consulte ses stats tous les jours comme si notre vie en dépendait, c’est qu’il est temps de faire le point et prendre de la hauteur (voire changer d’outil)
Garder à l’esprit l’importance d’interroger les biais très humains (et nombreux) des technologies dites gratuites ainsi que le modèle économique des sociétés qui les partagent si généreusement avec nous : vous connaissez le topo maintenant, “si c’est gratuit, c’est vous le produit” etc…
Ne pas oublier que même si on a fait tout le travail de construction et d’animation de communauté, la loyauté des fans n’est jamais acquise, surtout si on a tout construit autour d’une relation verticale et/ou sur une plateforme gratuite. Le jour où l’on n’y est plus, pour quelque raison que ce soit, il est très probable que la majorité des fans choisisse la plateforme aux dépends de l’artiste…
La gratuité d’une plateforme, c’est le red flag de notre future dépendance, alors que si on paye un abonnement mensuel ou annuel ou que la plateforme prend une commission sur les revenus générés, c’est mieux car les intérêts des deux parties sont alignés. D’autant que payer un service en tant que client·e accorde des droits, contrairement aux simples utilisateur·ices d’un service gratuit.
Bon. Je m’arrête là, parce qu’arriver à maintenir tout ça dans la durée, c’est déjà très bien.
#TeamTortue, remember?
🎧 Écouter les tips de Clara en version audio
Je ne vais pas parler de charcuterie italienne ce mois-ci, ni faire un décryptage des lois américaines, mais on va s’intéresser ensemble à la loi COPPA sur YouTube.
COPPA est l’acronyme de Children’s Online Privacy Protection Act. Cette loi américaine, édictée en 1998, a pour but de garantir la sécurité des informations personnelles des enfants de moins de 13 ans sur Internet et leurs usages. Quand vous mettez en ligne une vidéo sur YouTube, on vous demande systématiquement de faire un choix en vertu de son application. Choix qui peut s’avérer cornélien.
Votre vidéo est-elle oui ou non conçue pour les enfants ?
Les réponses sont formulées de manière… peu évidentes, on vous l’accorde. Et elle amènent souvent à des erreurs, qui vont impacter directement votre visibilité. Voici la solution :
Votre vidéo est conçue pour les enfants si vous avez pensez la vidéo pour qu’elle soit vue par des enfants. Typiquement, si vous mettez en ligne un dessin-animé ou une reprise de comptines, il faut cliquer sur Oui.
Idem si votre vidéo s’adresse tout de même à un public d’enfants, même si ce n’est pas votre audience principale, car “elle inclut des acteurs, des personnages, des activités, des jeux, des chansons, des histoires ou d'autres éléments qui démontrent une intention de cibler un jeune public.” Par exemple, les vidéos des prestations des candidat·es de The Voice Kids.
Votre vidéo n’est pas conçue pour les enfants, pour toutes les autres vidéos. Alors oui, votre clip peut sûrement être visionné par des enfants, mais ce n’est pas votre cible principale. Donc, il faut cliquer Non.
Le risque si vous vous trompez ?
Si vous avez cliqué sur “Oui, ma vidéo est conçue pour les enfants”, certaines fonctionnalités disparaissent comme :
Les commentaires ;
L’ajout en playlist ;
Les fiches et écrans de fin ;
Les boutons ‘J’aime’ ou ‘Je n’aime pas’ ;
L’utilisation du lecteur réduit ;
La lecture automatique sur la page d’accueil ;
La publicité (plus aucune possibilité de monétiser votre chaîne) ;
La recommandation de votre vidéo à des nouveaux publics (par défaut, les contenus pour enfants ne sont pas poussés grâce à l’algorithme).
Bref, dommage de se priver de ces outils d’interactions et de mise en avant…
Si vous souhaitez aller plus vite lors de la mise en ligne de vos vidéos vous choisir “Non, ne pas définir cette chaîne comme conçue pour les enfants” dans YouTube Studio > Paramètres > Chaîne > Paramètres Avancés !
💡LA RESSOURCE COMPLÉMENTAIRE DE CLARA
Le saviez-vous ? Dans le top 5 des chaînes YouTube avec le plus d’abonné·es au monde, on retrouve trois chaînes de comptines pour enfants ! La vidéo qui a le plus de vues sur YouTube est la chanson ‘Baby Shark’ avec 15 milliards de vues… Dernier chiffre, qui laisse songeur·euse : en France, les enfants commencent à utiliser Internet de manière autonome à l’âge de 6 ans en moyenne.
🎧Écouter le décryptage d’Inès en version audio
La digitalisation de la musique et l’essor du streaming ont offert aux artistes de nouvelles opportunités de visibilité, mais ont aussi intensifié la concurrence et rendu plus difficile la mobilisation d'un public de plus en plus sollicité, notamment sur les réseaux sociaux.
Cette dynamique a poussé les artistes et leurs équipes à imaginer et à mettre en place de nouvelles stratégies de marketing direct-to-fan, souvent axées sur l’exclusivité.
On a vu de super initiatives émerger, que ce soit pour permettre aux fans d’assister à des événements anciennement très cloisonnés ou d’avoir accès à des produits exclusifs. Dernièrement, les exemples de ce genre de propositions se multiplient :
- Gazo a offert un accès privilégié à une listening party pour son prochain album, uniquement via l’achat d’un pack premium disponible sur son site.
- Dinos a rendu une partie de son merch accessible grâce à un code, obtenu après l'achat d'une place de concert.
- SDM a organisé un événement live privé en partie réservé aux personnes ayant précommandé le pack album + place de concert.
En contrepartie, ce modèle pousse souvent le public à faire le premier pas financier, que ce soit par l’achat de billets de concert ou de produits dérivés, comme vu dans les exemples précédents. Si cette approche offre un nouveau moyen de commercialisation et renforce l’engagement des fans, elle peut aussi marginaliser une partie du public, notamment dans le rap qui attire souvent les plus jeunes, pour qui ces coûts peuvent représenter un obstacle.
Malgré cela, certains artistes prennent conscience de ces problématiques. On peut reprendre l’exemple de Dinos qui, dans le cadre de la promotion de son prochain album, a pris des mesures pour rendre ses produits plus accessibles en proposant la majeure partie de son merch (CD, vinyles exclusifs) au prix fixe de 10€.
« Je sais que vous me soutenez depuis longtemps sur le merch, les concerts, le physique et que financièrement c'est pas toujours évident donc on a décidé de tout mettre à 10 €, CD et vinyles, sauf pour l'édition ‘egodriven’ car elle contient beaucoup plus de titres. Le drop est limité et une fois celui-ci écoulé, on repassera au prix normal. Merci de votre soutien. »
Face à ces stratégies de plus en plus exclusives, la question se pose : jusqu’où peut-on aller sans risquer de perdre le lien avec une audience qui aspire elle aussi à une forme d’accessibilité égalitaire ?
🎧Écouter la chronique de Lila en version audio
Je connaissais déjà Jaïa Rose grâce à son premier EP 1000 MG (qui est un véritable classique), mais je viens tout juste de découvrir son dernier album, Star Magazine, et je dois absolument vous le faire découvrir !
Elle nous plonge dans son univers glamour, avec un caractère fort et des mélodies envoûtantes. Sa force, c’est bien sûr sa voix, mais aussi son écriture, et sa personnalité... Je n'arrive vraiment pas à lui trouver de point faible.
Ma track préférée ? Inoubliable, une chanson pleine d’énergie qui vous fait vous sentir comme une star ! D’ailleurs, je vous laisse, je vais la réécouter encore 500 fois.
💡LA RESSOURCE BONUS DE LILA
Mais avant, découvrez ma playlist R&B française :
Bonne écoute !
L'éclectisme est au cœur de notre quotidien, que ce soit à travers nos goûts musicaux ou les artistes que nous accompagnons. Dans cette rubrique, nous partagerons chacune le titre qui a marqué notre mois.




Emily // Life Keeps Flashing ! - Lukas Oscar
Clara // GROSTSUNAMI - Péniche
Inès // 4 Kampé - Joé Dwèt Filé
Lila // Disease - Lady Gaga
On se retrouve le 15 décembre pour la prochaine édition !